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DU SILENCE – hommage à Patrice Chéreau

7 octobre 2013



Ce weekend j’ai pris le train pour Limoges… 

… Et ce soir, j’apprends que Patrice Chéreau ne prendra plus le sien.

 

Metteur en scène de théâtre et d’opéra, réalisateur et scénariste de cinéma, acteur français… Patrice Chéreau aimait souvent confondre son travail et sa vie. Une vie aux multiples facettes marquée par des recherches plastiques, des réflexions politiques et l’exploration des obsessions humaines…

Ce soir la nuit tombe, il nous reste son oeuvre, ses films, ses mots, LE SILENCE.

Du silence,
quand Thierry Thieû Niang écrit à Patrice Chéreau

« I Am the Wind / Je suis le vent » de Jon Fosse
mise en scène Patrice Chéreau – création 2011

Chorégraphe et compagnon de route de Patrice Chéreau sur ses dernières production de théâtre ou d’opéra, Thierry Thieû Niang l’avait mis en scène dans sa création “du printemps” présentée à Valence puis à Paris. Patrice Chéreau y lisait des extraits du journal de Nijinsky et partageait le plateau avec une troupe de seniors amateurs. Dans « les Inrocks » Thierry Thieu Niang se souvient.

 

« J’écris pour faire résonner le silence, la douceur du souffle de l’air dans les arbres ; dans cet arbre où il rêvait de voir grimper les actrices et les acteurs de Comme il vous plaira… Un arbre qui bougerait lentement au milieu des spectateurs…
Nous étions à côté d’Assise en Italie où il lisait Coma de Pierre Guyotat et il avait ramassé sur un chemin une feuille couleur d’or qu’il avait glissée dans un de ses livres.
C’est pour Richard, pour le décor ! ”
Le soir il a eu la surprise de voir Marianne et Jean Louis Trintignant venus en voiture d’Uzès pour le voir, l’écouter. Je les ai regardés longtemps, l’un l’autre les deux ensemble, vifs, clairs et heureux de se voir. Ils se disaient en riant qu’il fallait travailler, travailler jusqu’au bout.
Lire, écrire, dire des textes, des poèmes. Raconter des histoires.
C’est vrai qu’avec lui, par lui, en travaillant avec lui, je n’ai plus eu peur de travailler.
Et je rajoute : Le travail du vivre.
Pendant ces années au travail ensemble, j’ai partagé surtout ce que je vivais moi ; toutes les danses avec les enfants autistes, les personnes âgées, les prisonniers, tous ces inconnus empêchés et si vivants de mouvements.
Et il a regardé, curieux de tout ; il a retenu des souffles, des élans, des cercles, des présences au présent de ces gens pour continuer à les faire résonner dans son travail…
Je le connais à cet endroit là ; la présence à l’autre ; à l’autre autre.
De la maison des morts, La douleur, au bois dormant, I’m a the wind, les lieder de Wagner, La nuit juste avant les forêts, Coma, Elektra
J’ai quitté Paris pour la tournée ” du printemps ”  des seniors ; il devait être là en alternance avec un autre comédien pour lire des extraits des carnets de Nijinsky.
Caen, Vire, St-Ouen, Sète, même Séville où il avait sa maison…
Je fais comme il disait ; continuer à travailler, travailler les mots, les gestes, les espaces entre, les silences aussi, travailler pour les spectateurs et pour la vie qui va avec…
Ces jours prochains,  je le fais pour lui… et je suis bouleversé et fier que ce soient ces femmes et ces hommes amateurs et seniors qui, sur un plateau de théâtre, pieds nus et debout, jusqu’à courir encore et encore, qui avec moi lui disent : merci, merci Patrice…
Après, en cet automne triste – après le printemps dansé – j’irai ramasser d’autres feuilles jaunes pour son arbre…et lui donnerai du silence pour se reposer…« 
... quand ARTE rend hommage à Chéreau, en nous invitant à revivre sa dernière Master Class, le 17 mars 2013 au Forum des images à Paris.
 NB) Encore et toujours,
quand Patrick Chéreau  a déjà marquer et marquera encore le Zen News :

– en janvier 2012 : on donnait déjà un joli coup de coeur à « La nuit juste avant la forêt » quand Patrice Chéreau et Thierry Thieû Niang mettent en scène une désespérance que nous adresse en pleine face Romain Duris !

– perdu dans le Flash-book de mai 2013 :  / DANSER LE PRINTEMPS À L’AUTOMNE / Quand Thierry Niang met en scène Patrick Chéreau dans une lecture d’extraits du journal de Nijinsky.

 

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Souvenons-nous d’Andrée Putman

20 janvier 2013

19 janvier 2013 / Hommage 

 

entre stylisme, design, et architecture,
rigueur et minimalisme,
« réinventer le quotidien et ses objets dans leur simplicité »

Hier nous apprenions la disparition d’Andrée Putman (1925-2013).

 

Je me rappelle alors de la pertinence de son oeuvre et de sa réflexion sur  la ville et son patrimoine, Une vision sur la « beauté » de Bordeaux que nous avions partagé ensemble en 2008. Un beau souvenir pour Camille Forgeau et moi qui avons eu l’honneur (ou l’audace) de l’interviewer pour « Les points sur le I » (le journal de l’ISIC, n°31).
Perdu dans le dossier central consacré au patrimoine – « Patrimoine, mon beau miroir » – on retrouve  en pages 8/9 notre article de l’époque : « Deux figures dans la ville : une histoire de styles« .
Une aventure étudiante présentant des regards croisés sur la ville, redécouvrez ici celui de l’artiste :


    © Xavier Bréjot
– TRIPOD AGENCY –

 

Construire la ville, intégrer son histoire, respecter sa personnalité, adopter son usage… En janvier 2008, Andrée Putman revient sur son expérience bordelaise [C’est en 1988 qu’elle signe l’aménagement du CAPC]. Pour elle, le patrimoine est nécessairement vecteur d’image. Son approche  confirme d’ailleurs l’idée que « le beau » n’est pas en une fin soi. Souvenons-nous de ses propos…

 

Les Points sur les I : Vous avez une notoriété internationale. Pourquoi avoir accepté la commande du CAPC de Bordeaux ?
Andrée Putman : Je suis clairvoyante par nature et toujours
prête pour de  nouvelles aventures. J’ai participé à de nombreux projets marqués par leur éclectisme. On m’a
confié, par exemple, l’aménagement de plusieurs maisons ou hôtels particuliers,
pour lesquels j’ai dû me faire portraitiste, mais je n’avais jamais contribué à
l’édification d’un musée. Mon impatience était donc grande !
J’ai été comblée par la liberté qu’on me laissa
pour la réalisation du CAPC. Il ne s’agissait plus de décelé l’univers de quelqu’un  mais d’un lieu, j’ai donc pu y introduire ma propre perception.
D’ailleurs j’ai décelé très tôt la splendeur potentielle du futur musée.
 
PI : La ville de Bordeaux vous
a-t-elle influencée pour créer la scénographie ?

AP. : Il ne pouvait en être autrement. Le patrimoine historique
de Bordeaux est d’une grande richesse. L’emplacement de l’entrepôt dans
l’ancien quartier des Chartrons offrait des perspectives intéressantes. Cette
richesse culturelle s’est donc tout naturellement retrouvée dans mon travail de
scénographie du CAPC.
Je n’imaginais pas au début de cette aventure
à quel point j’allais vivre un moment de travail dense, complexe et si
jubilatoire. Aménager imaginer des lieux ou créer des itinéraires en donnant un
sens à la découverte d’un bâtiment, c’est ce
que j’ai fait, en y apportant une tonalité nouvelle.
 
Attrium du CAPC,
musée d’Art Contemporain de Bordeaux
aménagé par Andrée Putman
© CAPC
PI : Vous semblez avoir, dans vos réalisations,
une certaine « obsession de la vérité ». Pour vous, le bâtiment, doit-il  nécessairement être intégré dans son contexte pour être porteur de sens ?
AP. : Donner de l’importance à la
vérité dans la réalisation, c’est avant tout comprendre le bâtiment. Pour le
CAPC, nous avons pu compter sur les atouts spectaculaires du bâtiment dont son immense
nef et sa galerie de onze salles.
Mais l’authenticité du lieu se traduit
également par son rôle à jouer. C’est comme une maison, cinq, dix ans plus
tard, elle ne présente plus les mêmes caractéristiques qu’elle avait
lorsqu’elle a été livrée. Parce qu’elle a justement vécu la vie des autres. Le CAPC, lui, est porté par les œuvres qu’il
présente, elles qui lui donne du sens.
 
PI : De même, le patrimoine sert parfois de faire valoir
à la ville : « Il faut faire du beau pour du beau » ! Qu’en pensez-vous ?

 

AP. : Une belle
réalisation peut toujours servir pour défendre l’image d’une
ville. Toutefois, je m’applique,  par un travail de fourmi, à faire exister des bâtiments par / pour eux-mêmes. Chargés d’une beauté particulière, ils sont là pour habiter
littéralement l’espace urbain… Mais il est normal que
les bâtiments marquants puissent renforcer la colonne vertébrale patrimoniale
d’une ville. Le beau ne doit pas
pour autant être porteur d’une valeur ostentatoire. Il est pour moi le fruit de
quelque chose de vrai, de vécu.
PI : Vous avez été l’une des « pionnières » du
renouveau patrimonial de Bordeaux, aujourd’hui classée à
l’UNESCO, Selon vous, Le CAPC est-il pour autant devenu un outil de
communication moderne pour la ville de Bordeaux ?
AP. : En tout cas, je crois que le CAPC
possède toutes les qualités pour l’être. C’est fascinant de penser un bâtiment
dans son évolution, de percevoir son inscription au patrimoine de la ville  comme acteur commercial puis comme figure
culturelle. A chaque époque la ville a su en tirer profit et le mettre au
service de différents usages.
Le CAPC, en soi n’est qu’un vieil entrepôt
miraculeux, mais j’aime à penser qu’il a une force et un éclat particulier. Il
serait presque dommage de ne pas le concevoir comme outil de communication puisqu’il
s’appuie sur une histoire unique et singulière.
Propos recueillis par Camille FORGEAU et Nicolas CHABRIER
pour « Les points sur les I » en janvier  2008
Remerciements particuliers  :
– à l’équipe du Studio PUTMAN qui a rendu cet travail possible.
– à l’équipe du CAPC qui a accepté de nous céder les droits photographiques.

 

– à l’équipe pédagogique des « Points sur les I » / ISIC :  Marie-Pascale MIGNOT (architecte-scénographe) / Annick MONSEIGNE (Maître de conférences – Université Bordeaux3) / Didier BEAUJARDIN (Conseil Général de la Gironde) / Philippe Loquay (Ancien directeur de l’ISIC) et Jacques Palut (Photographe).